SPIRIT OF 66, Verviers (B), 14 décembre 2003


La curiosité plutôt qu'une réelle motivation m'avait fait prendre le chemin du Spirit par une belle soirée de février 2003 pour assister à ce qui était présenté comme exceptionnel : la venue de Caravan. Depuis, la Vesdre a pas mal coulé dans la cité lainière, et d'autres pointures prog des 70's ont également foulé le parquet de la scène mais il y a presque 1 an, Caravan était presque un pionnier. Je m'étais donc tapé les bornes pour rencontrer un mythe ... et j'avais vécu un concert absolument merveilleux. j'étais reparti avec une pêche d'enfer.


C'est donc avec l'espoir de revivre pareille soirée que, accompagné de Piero et de Jean-Marc, je grimpe dans la voiture. L'heure que dure le trajet est passée à une vitesse ! Il faut dire qu'avec les anecdotes racontées par deux chroniqueurs de Prog'Résiste sur un fond de Spock's Beard, les heures défilent sans qu'on s'en aperçoive. Nous arrivons Place des Martyrs à 19h40. Un parking pas trop loin, il pleut mais la température est douce. Les poignées d'usage, et nous retrouvons Francis au bar derrière son ordinateur, qui nous parle entre autres de la prestation de Machiavel 2 jours auparavant et de l'accueil plutôt froid que les Bataves ont accordé à Caravan la veille en Hollande.


Ça rsique d'être autre chose chez nous, encore que, comme me le fait remarquer judicieusement Jean-Marc, le public des vieilles gloires est sensiblement différent de celui complètement extraverti du prog underground de nos époques mais les inconditionnels sont bien là ! Nous gagnons donc les premiers rangs pour mettre l'ambiance de feu de Dieu que souhaite Francis, tâche dont nous nous acquitterons avec plaisir. Sur scène, le dénuement contraste avec la débauche de matériel que font montre souvent pas mal de groupes à la réputation moins bien établies. Ici, deux guitares, un basse, un drum kit sans fioritures, deux simples claviers suffiront pour nous électriser.


Le groupe entre sur scène presque dans l'indifférence générale, Jim Leverton en tête. On dirait le petit vieux souffre-douleur qui aurait enfin échappé aux frasques de Benny Hill. Les autres prennent leur places tranquillement sous les premiers vivats du public. Les sourires éclairent déjà leur visage. Notre accueil semble déjà chaud que celui des Hollandais la veille. C'est pourtant un comble avec un groupe ainsi nommé. Décidément, c'est nin des gins ! Ils entament leur set avec "This time"; et dès les premières mesures, nous SAVONS que nous allons passer un TRES bonne soirée.


Le contact s'établit immédiatement entre le groupe et son public. La cohésion entre les musiciens est totale, et les deux soli de Jan Schelhaas et de Doug Boyle s'intègrent parfaitement sur la rythmique de Richard Coughlan. Seul regret sur ce premier morceau ? Comme nous sommes près de la scène, le retour des guitares couvre partiellement les notes aiguës du violon de Geoffrey Richardson.


Après les premiers applaudissements, le groupe enchaîne avec "It's Not Real". Pye Hastings pose sa voie fluette (?) sur le rythme enjoué. Malgré son physique de président des Etats-Unis, on ne fait attention qu'au bonheur qui se dégage de leur musique. A l'arrière de la scène, la moustache de morse bouffeur de bivalves martèle les fûts avec précision (c'est une image). Mais ce qui est le plus marquant, c'est son jeu de cymbales. C'est lui qui fait la différence dans son jeu somme toute assez conventionnel. A ses coté, Jim Leverton complète la rythmique avec sa basse à la fois simple et efficace.


Avec le morceau suivant, nous entrons dans les valeurs sûres de Caravan. C'est "The Dog, The Dog, He's At It Again". Après les premiers couplets, Geoffrey Richardson enfile des gants d'un blanc immaculé. Avec sa tenue noire (un nouveau frère Jacque), le contraste est saisissant, même si les baskets qu'il a aux pieds dénotent un peu. Puis il s'empare de l'instrument qui distingue Caravan de tous les autres groupes : les cuillers électriques. A part sa main droite, toutes les autres parties de son corps (ou presque) serviront pour une partie de percussion toute en contorsion. Geoffrey est un personnage vraiment inénarrable.


Après "Tell Me Why" et "Golf Girl", Pye Hastings annonce un des morceaux que nous attendons tous (avant l'autre, sans vouloir être restrictifs): "Nine Feet Underground". Nous prenons notre envol les paysages gris et roses. Mais nous n'avons pas peur. Au contraire, Pye Hastings et Richard Coughlan sont là pour nous guider de breaks en rythmes impairs, surtout Richard qui prendra la conduite du morceau à sa charge tout au long des 20 minutes. Et comment ne pas parler de Doug Boyle, d'une part parce que sa consommation de tabac semble avoir considérablement diminué (quoiqu'il se rattrapera au premier rappel) mais surtout par son jeu de guitare impeccable, tantôt avec son slide, tantôt avec son pédalier réduit au strict minimum. Le talent à l'état pur, et tellement concentré sur son ouvrage qu'il lui arrive de nous tourner le dos (nous ignorer ?) pendant de longues secondes. Mais le gaillard ne se la joue pas. La preuve par les duels amusés guitare-violon qui l'affrontèrent à un Geoffrey Richardson toujours aussi jovial, ou ses face-à-face avec les claviers de Jan Schelhaas.


La salve d'applaudissements qui couronna la pièce épique fut presque à la hauteur de l'interprétation magnifique. La suite fit la part belle aux morceaux du dernier album avec "Head Above The Clouds", "Revenge", "Smoking Gun" et "The Unauthorised Breakfast Item", avec un interlude provenant de Better By Far, "Nightmare". Cette suite nous confirma la merveilleuse voix de Jim Leverton. En fermant les yeux, on croyait par moments que Clapton avait fait halte au Spirit. D'autre part, il nous permit de lever le voile sur les titres kilométriques qui émaillent la discographie de Caravan, du moins pour un tire du dernier opus. Geoffrey nous raconta que lors du Nearfest à Trenton dans le New Jersey, ils avaient été amenés à prendre dans un motel le petit déjeuner qui étaient disponibles sous deux formes : continental (light) et local (enormous). Geoffrey eut l'outrecuidance de se servir de l'un puis de piquer deux croissants de l'autre, chose qui provoqua l'ire d'une terrible préposée locale, au point que le groupe se sentit l'obligation de l'immortaliser dans la chanson de l'article de déjeuner non autorisé.

(note de Piero) : A propos du Nearfest, Geoffrey a aussi dit ceci : "depuis plus de trente ans, nous pensions jouer de la musique de Caravan, mais depuis le Nearfest, nous savons maintenant que nous jouons du prog !! ... (rires)".


Encore un petit retour en arrière avec "Backwards" (For Girls Who Grow Plump In The Night - Quand je parlais des titres kilométriques)) et le groupe prend congé sur une dernière chtite chanson, une chanson pour Richard (If I Could Do It All Over Again, I'd Do Tt All Over You - Rien à ajouter, crois-je). Et nous revoilà reparti pour une nouvelle vingtaine de minutes de pur bonheur musical. Le violon de Geoffrey Richardson se fait caresse et la voix de Pye Hastings vient se coller sur le lent tempo. Le violon se fait plus lanscinant, plus pressant aussi, le groove augmente puis Richard marque le premier break et Jan part dans un de ses soli !Les plans se succéderont ainsi, avec chaque fois Richard Coughlan annonçant le rythme du plan suivant alors que les autres achèvent le précédent. Un autre grand moment de la soirée.


Le groupe repart vers les caves du Spirit pour une courte pause. Il reviendra encore deux fois pour nous gratifier de deux autres perles de leur répertoire : "Memory Lain, Hugh Headloss" et "Who Do You Think You Are", que toute l'assistance reprendra en chour à l'injonction de Geoffrey. Les six acolytes prirent congé définitivement, en nous laissant un grand bonheur dans la tête. Tout ce qu'on souhaite, c'est qu'ils reviennent le plus vite possible.




Olivier "Eye Cube" Delooz